« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


samedi 9 juillet 2011

Garde à vue : l'Etat au secours des avocats

Le décret n° 2011-810 du 6 juillet 2011 vient enfin répondre à l'une des principales interrogations posées par la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue. Combien vont gagner les avocats ? Durant tout le débat qui a précédé la réforme, ces derniers se sont volontiers présentés comme les généreux défenseurs du faible et de l'opprimé, dans une démarche aussi altruiste que désintéressée. Ils ont introduit les recours et QPC indispensables pour obtenir du législateur l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue et durant les interrogatoires. Différents sites offraient même au jeune confrère peu informé des évolutions jurisprudentielles un "kit garde à vue" permettant d'obtenir du juge de la liberté la nullité d'une procédure, en s'appuyant directement sur la jurisprudence de la Cour européenne.

Le décret fixe un barème de rémunération très précis, de 61 € pour le premier entretien avec la personne gardée à vue, à 300 € pour l'interrogatoire, ce qui n'est pas négligeable si l'on considère que la loi du 14 avril 2011 prévoit un avocat "taisant" . Enfin, en cas de prolongation de la garde à vue, l'avocat recevra 150 € pour tout nouvel entretien ou confrontation. Dans sa grande sagesse, le pouvoir réglementaire a tout de même prévu qu'un conseil intervenant auprès de plusieurs gardés à vue durant la même journée verra sa rétribution plafonnée à 1200 €. Il s'agit certes d'éviter les cadences infernales, mais aussi de répartir équitablement ces nouvelles missions au sein des Barreaux.

On peut évidemment considérer qu'une telle rémunération est bien faible pour une tâche ingrate qui exige une si grande disponibilité que les Barreaux doivent mettre en place des astreintes. Certes, mais la garde à vue est aussi le premier contact avec un client, qui pourra ensuite rémunérer son défenseur, l'aide judiciaire venant assister les plus démunis. Le législateur a pourtant décidé que ces interventions seraient rémunérées sur le budget de l'Etat, et l'étude d'impact de la loi du 14 avril évalue le budget global de la réforme à 65,75 millions d'euros par an.

Cette réforme suscite des interrogations sur l'avenir de la profession d'avocat. Les professionnels affirment leur attachement au maintien d'une activité libérale, condition de l'indépendance de la profession. Mais nul n'ignore que les avocats sont nombreux, plus de 50 000, trop nombreux dans certaines régions (40 % d'entre eux sont inscrits au Barreau de Paris). On assiste dès lors à une paupérisation de la profession, qui semble bien incapable de gérer ses flux, alors même que la crise économique actuelle suscite les concentrations et fragilise les plus modestes.

Vue sous cet angle, la réforme de la garde à vue offre aux avocats la possibilité d'exercer une profession libérale rémunérée sur fonds publics.. Mais l'Etat doit-il voler au secours de la profession d'avocat ? Cette question n'a malheureusement pas été posée en ces termes lors du débat parlementaire…

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