« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mercredi 6 juillet 2011

La distribution de la presse : Offensive contre le Syndicat du Livre

Les députés ont adopté hier, en première lecture, une proposition de loi due à l’initiative du sénateur Jacques Legendre (UMP), modifiant le système de distribution de la presse. Ce dernier est issu de la célèbre loi Bichet du 2 avril 1947, qualifiée par le rapporteur du Sénat d’ « icône de la République ». 

L’objet du texte n’est pas réellement contesté. Il s’agit toujours d’assurer le pluralisme de la presse par l’impartialité dans la distribution des journaux, et donc l’égalité de traitement entre les titres. Si le législateur déclare ne pas vouloir revenir sur cet acquis, il opère néanmoins un toilettage du texte, dans le but de renforcer la gouvernance du système de distribution. Il est vrai que l’enjeu est de taille, puisque le total des aides à la distribution et à la diffusion de la presse est évalué, pour 2011, à 386,6 millions d’euros, soit 83, 3 % des aides publiques non fiscales versées à la presse. En outre, Presstalis, qui a succédé aux NMPP, est dans une situation de déficit chronique, liée aux coûts spécifiques qui affaiblissent ce secteur : travail de nuit, coûts de transport, et surtout nécessité d’employer des personnels du Syndicat du Livre, selon un système de « Closed Shop » tout à fait exceptionnel en droit français. 

Picasso
Homme lisant un journal


Face à cette situation déjà mise en lumière par les Etats généraux de la presse et le rapport Lasserre en 2009, la proposition de loi vise à renforcer le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), instance d’auto-régulation aux contours juridiques mal définis, qui deviendrait un organisme professionnel de droit privé. Elle lui adjoint en outre une « Autorité de régulation de la distribution de la presse » composée de trois magistrats, et chargée de rendre exécutoires les décisions du CSMP.

Cette réforme institutionnelle ne suscite guère d’opposition. En revanche, le Syndicat du Livre considère comme une véritable déclaration de guerre la disposition, ajoutée à la loi Bichet (art. 18 al. 6), qui met fin à l’exclusivité du système de distribution. 

La réforme apparaît indispensable à bien des égards. En effet, la presse sur support papier est aujourd’hui concurrencée par l’essor de la diffusion numérique, avec notamment l’avènement des tablettes digitales. Il convient alors de diversifier les modes de commercialisation de la presse au numéro, en particulier dans les secteurs où les diffuseurs de presse et les kiosquiers sont absents (commerces de proximité comme les boulangeries, bornes automatiques de distribution payante..). La logique de cette disposition est évidemment de permettre, à terme, à chaque éditeur, de s’adresser directement aux dépositaires, sans passer par les messageries. Le Syndicat du Livre l’a bien compris, et il y voit la « mise à mort » des principes de la loi Bichet. C’est précisément l’origine de la grève qui perturbe actuellement la distribution des journaux.

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