« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


jeudi 28 juillet 2011

Le divorce est-il un droit ? A propos de Malte

Après bien des difficultés, Malte vient enfin, le 25 juillet, de voter une législation sur le divorce. C'est l'aboutissement d'une bataille politique gagnée grâce à un référendum qui a vu 53 % des Maltais se prononcer en faveur de cette réforme. La loi qui a suivi cette consultation populaire a finalement été arrachée à un gouvernement conservateur hostile et à une Eglise très puissante dans un pays qui compte 95 % de catholiques.

Au-delà de la satisfaction de savoir que les Maltais peuvent désormais se dégager des liens du mariage s'ils sont devenus insupportables, cette législation nouvelle suscite des questions. Malte, pays de l'Union européenne, membre du Conseil de l'Europe, a donc attendu 2011 pour se doter d'une législation sur le divorce. N'existe-t-il aucun droit au divorce dont les Européens pourraient se prévaloir, alors même que le divorce est désormais acquis dans l'ensemble des Etats du Conseil de l'Europe ?

La réponse est négative, que l'on se tourne vers l'Union européenne ou la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.

L'Union européenne n'appréhende le divorce qu'à travers les problèmes qu'il suscite en droit international privé. C'est ainsi que le réglement du 27 novembre 2003, dit "Bruxelles II" est entré en vigueur en mars 2005. Il a pour objet de déterminer le juge compétent, en cas de divorce entre deux époux de nationalité différente. En droit communautaire, l'organisation concrète du divorce est laissée à la compétence des Etats, ce qui explique les très grandes différences de régimes juridiques. C'est ainsi qu'à Malte, le divorce sera désormais possible à l'issue d'une période de quatre année de séparation, alors qu'aux Pays Bas, un "divorce éclair" permet de transformer le mariage en une union civile, dont la dissolution peut ensuite être très rapidement prononcée. Il n'existe donc pas de standard communautaire dans ce domaine.

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme présente en revanche l'avantage de permettre d'envisager le divorcer sous l'angle des libertés fondamentales. Observons d'emblée que si le droit au divorce ne figure pas dans la Convention, le droit au mariage, quant à lui, est consacré dans l'article 12 : "A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit".

De la reconnaissance du droit au mariage, il est bien délicat de déduire l'existence d'un droit au divorce. Pourrait-on par exemple considérer que le droit au mariage implique un droit au remariage, et que le lien conjugal ne peut donc pas être indissoluble ?

Divorce à l'italienne
Film de Pietro Germi 1961
La Cour européenne n'a pas eu à se prononcer clairement sur la question. Dans une décision très récente, du 14 juin 2011, Ivanov et Petrova, elle refuse de sanctionner la législation bulgare qui ne prévoit que deux cas de divorce : le consentement mutuel et l'"altération de la vie conjugale". En l'espèce, un homme souhaitait se remarier avec sa compagne, dont il avait eu un enfant. Son épouse légitime dont il vivait séparé depuis quinze ans, elle-même mère de deux enfants, refusait pourtant de divorcer, estimant qu'une réconciliation était possible. Le juge bulgare lui a donné raison et a refusé le divorce, considérant que "les points de conflit ne sont pas insurmontables". Une telle décision peut sembler étrange, car elle conduit à conférer à l'épouse délaissée un véritable droit de veto en matière de divorce.

La Cour européenne ne voit rien de contestable dans cette solution, et feint de croire le juge bulgare, lorsqu'il voit un espoir de réconciliation dans un couple séparé depuis quinze ans, et dont l'un des membres a fondé une nouvelle famille. Cette fiction évite à la Cour européenne de se prononcer sur le fond et de rechercher si le conjoint abandonné a ainsi la faculté d'empêcher, ou non, l'exercice d'un droit.

La Cour refuse ainsi d'apprécier les mœurs et les sensibilités propres à chaque Etat et renvoie au législateur interne le soin de définir librement les principes gouvernant le droit du divorce. Quant au droit au divorce,  il attendra encore quelque temps sa consécration....




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire