« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 5 juillet 2011

Primaires socialistes : haro sur le fichage !

Durant le dernier week end, on a vu se développer une véritable campagne contre les primaires socialistes, accusées de mettre en œuvre « un gigantesque fichage politique », formule employée par Jean François Copé.  Le député UMP Edouard Courtial a même saisi la CNIL pour lui demander d’interdire cette consultation qui pourrait déboucher sur le « flicage des fonctionnaires territoriaux ».  Le ministre de l’Intérieur lui même déclare redouter la création d’une « liste nominative d’opinions politiques en France".

Une telle volée de bois vert fait sourire, lorsque l’on songe que la CNIL a fait 1385 vérifications en 2009 dans le fichier STIC du ministère de l’Intérieur, aboutissant à 17 % de radiations, 63 % de modifications, seules 20 % des fiches se révélant exactes (rapport 2010 de la CNIL). Du STIC à l’abandon d’EDVIGE, le ministère de l’Intérieur a donc aussi quelques problèmes avec les fichages des citoyens.

Cette exploitation politique des primaires socialistes incite cependant à aborder la question de l’organisation juridique de la consultation.


On observe d’emblée que si la loi du 6 janvier 1978 soumet la collecte et la conservation des données relatives aux opinions politiques des personnes à une procédure d’autorisation rigoureuse, elle n’en prévoit pas moins une exception en faveur des partis politiques, qui peuvent légalement détenir un fichier de leurs membres (article 8).

Dans le cas des primaires socialistes, il ne s’agit pas cependant de ficher les seuls membres d’un parti, puisque la consultation sera ouverte à tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, c’est à dire potentiellement 45 millions d’électeurs, à la seule condition qu’ils déclarent adhérer à une « charte des valeurs de la gauche ».

Pour respecter les formalités préalables à la mise en œuvre d’un traitement automatisé, le PS a saisi la CNIL dès le 26 avril. Celle ci s’est prononcée le 12 mai en séance plénière. Elle a considéré que « les principes de protection des données personnelles étaient bien respectés par le PS lors de la préparation, de l’organisation, puis du déroulement de cette élection ».

Le processus auquel la CNIL a donné son accord repose sur un système « à deux étages ».

Les électeurs souhaitant uniquement participer aux primaires seront inscrits sur un fichier issu directement des listes électorales. Ce document sera détruit après la consultation. Sur ce point, il est naturel de se préoccuper de la réalité de cette destruction, et rien n'interdit à la CNIL de s'en assurer, dans le cadre du pouvoir de contrôle que lui attribue la loi. 

Un autre fichier pourra être créé, plus étroit, qui recensera, parmi les participants aux primaires, ce qui auront souhaité laisser leur coordonnées pour être recontactés, dans le cadre des futures échéances électorales. Ce second fichier sera conservé par le PS, mais il ne sera constitué que d’électeurs volontaires et éclairés sur l'usage qui sera fait de ce traitement automatisé.

Sur cette base, la CNIL a constaté que le PS avait suivi ses préconisations, et délivré le récépissé de déclaration.

Bien sur, on peut toujours évoquer le risque éventuel d’un détournement de finalité, c’est à dire d’une utilisation du fichier à d’autres fins, par exemple pour connaître les fonctionnaires territoriaux qui refuseraient de participer aux primaires. Certes, une telle pratique n’est pas impossible… mais le détournement de finalité est un risque qui existe pour tous les fichiers, y compris ceux détenus par les services de l’Etat.

Pourquoi cette agitation autour des primaires socialistes ? Crier haro sur les fichiers  ne permet il pas d’afficher une posture nouvelle ? Après avoir pratiqué le fichage, vanté la vidéosurveillance, développé considérablement tous les moyens d’identification et de repérage de l’individu, il s’agit maintenant de se positionner comme protecteur des libertés individuelles…

Finalement, les primaires sont utilisées à des fins électorales… par tout le monde.


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