« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


dimanche 3 juillet 2011

Secte, culte et religion : les Témoins de Jéhovah devant la Cour européenne

La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre, le 30 juin, une décision remarquée autorisant les Témoins de Jéhovah à se prévaloir de l'article 9 de la Convention, relatif au droit d'exercer et de manifester sa religion. Les journalistes y ont vu immédiatement une large victoire des mouvements sectaires.

Cette décision était pourtant prévisible, ne serait-ce que parce que ce contentieux portait sur une période ancienne, antérieure en 1997. A l'époque, l'administration française refusait aux Témoins de Jéhovah le statut d'association cultuelle et rejetait donc leur demande d'exonération fiscale sur les dons et legs, portés à la connaissance de l'administration à l'occasion d'un contrôle fiscal.

Différents recours des Témoins de Jéhovah ont finalement conduit à une évolution en deux temps.

  • Devant le juge administratif, la première question posée à été celle de la reconnaissance d'association cultuelle. Dans un avis du 24 octobre 1997, Assoc. locale des témoins de Jéhovah de Riom, suivi trois ans plus tard d'un arrêt rendu par ses formations contentieuses, le Conseil d'Etat annule le refus de reconnaissance. Il ne dit pas que les sectes sont des religions, mais que les deux types de groupements peuvent constituer des associations cultuelles, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public. Le Conseil d'Etat définit d'ailleurs le « culte », au sens de la loi de 1905, comme « la célébration de cérémonie organisée en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques » (C.E., 23 juin 2000, Min. éco. c. assoc. locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Clamecy,  ; même solution pour l’association Saint Pie X : C.E. 29 avril 2002, Fraternité Saint Pie X, ).

  • Devant la Cour européenne, la question posée est uniquement celle de la contestation de la créance de l'Etat pour la période antérieure à 1997. En effet, la Cour de cassation avait confirmé, en 2004, que les Témoins de Jéhovah demeuraient redevables des droits de mutation sur les dons manuels pour la période antérieure à la création de son association cultuelle. Saisie de la régularité de cette créance, la Cour européenne ne considère pas que l'exercice de la liberté de religion implique nécessairement l'absence de taxation des dons manuels. La sanction porte seulement sur le non respect de la prévisibilité de la norme. En effet, la disposition contestée du code général des impôts (art. 757) ne mentionnait pas formellement que l'obligation de déclarer ces libéralités concernait les associations à but non lucratif. De fait, la créance de l'Etat, découverte à l'occasion d'un contrôle fiscal, n'était pas « prévisible » au sens de la Convention. La Cour « invite » en conséquence le gouvernement français à passer un accord financier avec les Témoins de Jéhovah, c'est à dire, concrètement, à renoncer au recouvrement de la créance.

La Cour parvient donc, très habilement, à donner satisfaction aux Témoins de Jéhovah, sans pour autant mettre en cause la position française. Contrairement à une idée reçue, le droit français n'interdit pas les sectes, mais sanctionne les « dérives sectaires » considérées dans une approche exclusivement pénale.

La loi About-Picard du 12 juin 2001, issue d’une proposition sénatoriale, ne fait pas référence à la dimension religieuse des groupements visés et à la croyance qu’ils professent. Elle se borne à renforcer la répression des agissements illicites qu’ils commettent, qu'ils s'agisse d'infractions de droit commun (escroquerie, tromperie, abus de confiance, abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine..), ou d'une infraction spécifique qui consiste à « créer, maintenir, ou exploiter la sujétion psychologique ou physique d’autrui ». C'est donc l'infraction pénale qui crée la secte, et non pas la qualification de secte qui entraine la sanction pénale.

1 commentaire:

  1. c'est une honte pour les familles qui se battent contre ces sectes. Mais comment peut-on accepter cette décision!!!

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