« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 13 juillet 2012

Le juge Courroye inaugure une nouvelle procédure

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a décidé de confier à son conseil de discipline l'examen de la plainte déposée par Le Monde contre le procureur de Nanterre, Philippe Courroye. On se souvient que ce dernier est accusé de s'être fait communiquer les "fadettes", c'est à dire les factures détaillées de téléphone, d'un journaliste travaillant sur l'affaire Bettencourt.

Les deux volets de l'affaire

Le volet pénal de l'affaire est, pour le moment, en attente. La mise en examen du procureur pour violation du secret des sources et intrusion dans la vie privée du journaliste avait été décidée, mais cette décision a été annulée par la Cour d'appel de Paris. Le Monde a donc déposé un pourvoi en cassation, qui n'a pas encore été examiné. Reste le volet disciplinaire qui se limite, pour le moment, à cette décision d'examiner la plainte du journal. Son fondement est évidemment tout autre, dès lors que les faits reprochés au procureur doivent pouvoir faire l'objet d'une "qualification disciplinaire". En l'espèce, Le Monde l'accuse de ne pas avoir respecté ses devoirs de loyauté, de légalité et de délicatesse, imposés par le statut de la magistrature. 

Ecole française, vers 1740. Portrait d'un magistrat



La révision de 2008

Le procureur Courroye inaugure, certainement sans le vouloir, une procédure tout à fait nouvelle. La révision constitutionnelle de 2008 a en effet modifié l'article 65 de la Constitution, qui ouvre désormais aux justiciables la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature, "dans les conditions fixées par une loi organique". Cette loi est précisément intervenue le 22 juillet 2010, et elle est en vigueur depuis 2011.

Elle précise que tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut saisir le CSM. La plainte est examinée par une commission d'admission des requêtes composée de quatre membres (deux magistrats et deux personnalités extérieures au corps judiciaire). C'est exactement ce qui vient de se produire, la commission ayant décidé que la plainte du Monde est suffisamment sérieuse pour justifier qu'une procédure soit engagée, dans le respect des droits de la défense.

De la subordination à la soumission
Certes, on pourrait trouver cocasse une situation dans laquelle un procureur proche du Président Sarkozy, se trouve être la première victime d'une révision constitutionnelle initiée par ce même Président. Au-delà du cas du procureur Courroye, cette affaire constitue  une illustration presque caricaturale des liens entre les magistrats du parquet et l'Exécutif. La Cour européenne, elle, ne s'y trompe, qui refuse de considérer les membres du parquet comme des "magistrats" au sens de la Convention européenne, depuis le célèbre arrêt Moulin du 23 novembre 2010. Certes, il ne faut pas confondre les instructions formelles que peut recevoir un procureur pendant une instance et les relations d'amitié, voire de connivence, qu'il peut entretenir avec tel ou tel dirigeant politique. Mais, en tout état de cause, les premières favorisent les seconds, et la subordination hiérarchique conduit à la soumission.

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